« Pour en finir avec le jugement de dieu Marchand de souvenir »

Juliette R.

Texte : Flora Donars
et quelques extraits de Romeo and Juliet de William Shakespeare
Mise en scène : Natacha Dubois
Scénographie : Amandine Livet
Avec : Elise Marie (comédienne), Juliette Murgier (danseuse) et Loïc Verdillon (musicien)
Création lumière : Lucas Delachaux
Création musique : Loïc Verdillon

Présentation d’une maquette (30min) le 30 juin 2011 au théâtre BMK (Université Paris-Ouest Nanterre)
Création du 22 au 31 mars 2012 au Théâtre de Poche – Tricycle – Grenoble pour une série de 8 représentations

Coproduction : Tricycle – Grenoble & INFINI DEHORS/Théâtre
Avec l’aide de l’Université Paris-Ouest Nanterre, les ateliers décors et costume du Théâtre Municipal de Grenoble

Le spectacle

Dans Juliette R., « celle qui voudrait savoir » (interprétée par la comédienne E. Marie) nous embarque dans son obsession : comprendre l’histoire d’une figure énigmatique de son enfance nommée Juliette R. Elle est venue avec des preuves, des lettres, des souvenirs et des ouï-dire. Sa quête nous entraîne dans une France d’après guerre où défilent les femmes tondues. À ses côtés sur scène, deux figures (interprétés par la danseuse J. Murgier et le musicien L. Verdillon) : la femme et l’homme, Roméo et Juliette, Juliette R. et… Dans une dramaturgie qui ne peut-être que fragmentée – comme l’est la mémoire et ce qu’il nous reste de cette période de notre histoire – se construisent des images fantasmées, un rêve tantôt concret tantôt impalpable, où corps, voix, lumière et musique s’entremêlent jusqu’à l’ivresse.

La note d’intention

J’ai ce souvenir d’enfant : celui d’une femme qui m’effraie un peu. Une grand-mère sans enfants, ni petits enfants, ni mari. Elle vit seule. S’habille en pantalon ou en short, cheveux très courts et gris. Elle dit des gros mots et parle très fort. Elle a ce tic d’aspirer avec sa langue une dent creuse pour ponctuer ses phrases.

Souvenir d’une femme vivant au septième étage d’un immeuble dans le sud de la France, sa terrasse donnait sur la mer … au loin. Elle me disait : « Bienvenue dans mon septième ciel, gamine ! ». Et quand il faisait froid elle s’exclamait : « On transpire sous la langue aujourd’hui, hein gamine ? »

Et puis, j’ai appris à demi-mot qu’elle avait été en prison. J’ai eu un peu plus peur d’elle, et je me suis mise à imaginer qui elle pouvait être, ce qu’elle avait pu faire. Plus tard, j’ai compris qu’elle faisait partie des femmes tondues en 1945, qu’elle fut condamnée à mort pour collaboration ou pour avoir eu une relation avec un Allemand. Graciée parce qu’elle n’était pas majeure, elle a passé 10 ans en prison.

On l’appellera Juliette R. Aujourd’hui tous ceux qui pourraient savoir quelque chose sur elle, et qui ont jusque là gardé le silence, sont morts.

C’est la vie de cette femme qui m’a poussé à demander à Flora Donars de travailler à l’écriture de Juliette R. Nous voulons tisser l’histoire de cette femme, avec le texte de William Shakespeare Romeo and Juliet. Autour d’un travail mêlant musique, théâtre et marionnettes, nous souhaitons penser la manière de raconter l’Histoire, de ne pas oublier… C’est sur le silence du secret qui doit resté étouffé, sur ce silence tenu si longtemps, que se fondent les questions qui traversent Juliette R.

Natacha Dubois


« Pour en finir avec le jugement de dieu Marchand de souvenir »